De la prison ferme requise dans le procès pour proxénétisme autour du Sass Café à Monaco

Au tribunal correctionnel de Monaco, des peines de 4 à 12 mois de prison ferme ont été requises pour proxénétisme à l’encontre d’anciens salariés et du propriétaire du célèbre établissement de nuit de l'avenue Princesse-Grace. Pour d'autres protagonistes du dossier, hors Sass Café, cela monte jusqu'à 4 ans de prison.

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Thibaut Parat Publié le 05/04/2024 à 06:38, mis à jour le 05/04/2024 à 11:37
La substitut du procureur a exclu la perspective d’une fermeture administrative dans ses réquisitions. Photo Dylan Meiffret

"Ce n’est pas parce que la prostitution est tolérée à Monaco que le proxénétisme l’est. Ce sont deux choses différentes." 

Au second jour d’un procès principalement centré autour de l’établissement Sass’ Café, et sa façon de gérer la présence et le nombre de prostituées en ses murs, le premier substitut Valérie Sagné a rapidement recentré les débats.

Outre des peines d’amendes variant selon les revenus, la représentante du ministère public a requis des peines de prison ferme pour son propriétaire Samuel T. (12 mois), son manager et bras droit Pascal C. (12 mois), deux agents de sécurité Konan Thierry D. et Jérémy C. (12 et 9 mois) et l’hôtesse d’accueil Assia A. (4 mois).

Les deux premiers pour leur rôle décisionnaire dans le système, les trois autres pour avoir tiré un profit personnel de leur présence.

"Vous n’avez pas perçu la politique institutionnalisée qui allait au-delà de la tolérance mais qui allait bien à l’organisation afin de répondre aux canons de l’établissement", a-t-elle déclaré à l’adresse de son gérant.

"Au Sass’, on va s’assurer d’avoir des bonnes gagneuses. Plus qu’une régulation, c’est une organisation et un tri sélectif, avec des fiches de travailleuses, des placements, des refus et acceptations, des exclusions prononcées."

200.000 euros d’amende requis contre le Sass’ Café

La veille, les débats avaient notamment tourné autour d’un logiciel de réservation et d’attribution de tables avec la lettre "T", pour identifier les "travailleuses", mais aussi des pourboires.

Si la majorité était versée au pot commun pour le service en salle, certains individualisés (notamment pour les portiers) pouvaient être assimilés à un droit d’entrée.

"Pourquoi avoir référencé les prostituées? Car ce n’était pas des clientes comme les autres!", a-t-elle ajouté, en réponse aux prévenus qui juraient les traiter comme n’importe quel autre client du Sass’.

À l’encontre de la SARL Sass Café, Valérie Sagné a requis 200.000 euros d’amende mais a exclu la perspective d’une fermeture administrative de 6 mois comme peine complémentaire.

"Cela aurait été excessif. Il n’a pas été établi qu’ils avaient été acteurs et à l’initiative du recrutement des prostituées. Il n’a pas été démontré, non plus, que l’équilibre financier du Sass’ Café dépendait complètement de l’activité prostitutionnelle à l’intérieur", a-t-elle reconnu.

Depuis l’éclatement de l’affaire, les prostituées ne sont plus autorisées au sein de l’établissement de nuit de l’avenue Princesse-Grace.

La relaxe plaidée

Du côté des avocats ayant pu plaider en ce deuxième jour de procès, la majorité a réclamé aux magistrats du tribunal correctionnel la relaxe pour leurs clients respectifs et a jugé "sévères" les réquisitions du ministère public.

"Dans ce dossier, il y a beaucoup de rumeurs, d’ouï-dire, de on-dit mais à aucun moment, une fille n’a affirmé qu’elle avait donné de l’argent à Pascal C.", affirme Me Thomas Giaccardi, conseil de l’ancien manager du Sass’ Café.

"Pourquoi n’a-t-on pas évoqué à l’audience les salariés qui disaient que Pascal faisait preuve de rigueur, qu’il fallait traiter les prostituées normalement, ne pas faire de familiarités, ne pas prendre directement de pourboires ? Leur parole n’a pas moins de valeur que celle des prostituées."

Une pique à la substitut du procureur qui avait pointé du doigt les propos de certains tendant à déprécier la valeur des déclarations des prostituées, au regard de leur statut professionnel.

Me Nathalie Elmoznino, conseil d’Assia A., a pointé du doigt "un dossier volumineux mais vide". "Si on admet des prostituées en Principauté qui vont dépenser les fonds de la prostitution, alors l’ensemble du pays est proxénète. Ma cliente n’en est pas une. C’est inaudible, et pas que pour elle (...) Il n’y a pas un élément constitutif d’une infraction."

Me Pascal de Souza, conseil de Jérémy C., a mis "au défi" les juges "de trouver une prostituée qui a remis de l’argent à mon client" estimant de fait qu’il ne restait "que dalle" dans ce dossier.

Ce vendredi, les plaidoiries de Mes Antoine Vey et Charles Lecuyer, représentant la SARL Sass Café et Samuel T., sont particulièrement attendues. À l’issue, les juges du tribunal correctionnel commenceront à délibérer. La décision sera rendue le mardi 14 mai.

La loueuse d’appartements, l’homme à tout faire et le "concierge" des prostituées

Alors que le premier jour du procès s’est cristallisé autour du Sass’ Café, d’autres protagonistes du dossier n’officiant pas dans cette institution de la nuit monégasque ont été entendus jeudi matin.

Tous les trois, sans mention aux casiers judiciaires français et monégasques, avaient effectué plusieurs mois de détention provisoire.

Il y a eu Veronika M., une gérante russe de sociétés immobilières de 54 ans qui louait, sans bail et en espèces, deux de ses appartements aux Flots d’Or à Beausoleil à des prostituées fréquentant, entre autres, au Sass’.

Nerveuse à la barre, elle a continué à nier en bloc avoir eu connaissance de leur statut de travailleuses de sexe, malgré les photos suggestives de celles-ci retrouvées lors de l’exploitation de son téléphone, certaines écoutes et une alerte du syndic. Elle est aussi accusée d’avoir blanchi ces liquidités, notamment 43.000€, dans une grande enseigne de luxe.

À son encontre, la substitut du procureur Valérie Sagné a requis 2 ans de prison ferme avec mandat d’arrêt et 80.000€, d’amende.

"J'exécutais ses consignes à la lettre"

Alessio N., lui, était l’homme à tout faire de "Barry", un client ultra-VIP du Sass’ Café et grand consommateur de cocaïne et de prostituées. Cet Italien de 34 ans lui avait déniché des filles, en avait véhiculé et payé certaines pour son compte.

"J’exécutais ses consignes à la lettre. Je me suis retrouvé dans quelque chose de plus grand que moi", a regretté le prévenu, assisté de Me Hervé Campana.

Prenant en compte le fait qu’il avait agi pour le compte de son patron, et non dans son intérêt personnel, le ministère public a requis la peine la plus clémente des huit prévenus: 6 mois de prison dont trois assortis du sursis et 1.000e d’amende. Son avocat a plaidé la relaxe: "On est en train de jouer avec son destin".

Taxi clandestin à 15 euros la course

Et puis, il y a Bruno S., le grand absent du procès, poursuivi pour proxénétisme et - il est le seul - trafic de stupéfiants.

Exilé sur une petite île en Norvège et empêché pour raison professionnelle, ce Brésilien de 36 ans est l’un des protagonistes de départ de l’affaire et a reconnu les faits.

Gros consommateur de cocaïne à l’époque - 3 grammes par jour -, il était le principal revendeur de stupéfiants de la communauté brésilienne se livrant à la prostitution à Monaco.

Mais pas que. Bruno S. était devenu à lui seul "service de conciergerie" pour ses amies prostituées: taxi clandestin à 15 euros le trajet, courses alimentaires, achats de préservatifs… À son encontre a été requise une peine d’emprisonnement ferme de 4 ans avec mandat d’arrêt et 20.000 euros d’amende.

Son avocate, Me Erika Bernardi, a réclamé une peine "juste, utile et éducative" pour un homme "qui a fait une erreur de parcours" et qui est "depuis réinséré, marié et qui donne satisfaction à son employeur. Quel serait l’objectif de le remettre en prison à part lui briser sa vie et le tuer?".

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