Cette voltigeuse rescapée des attentats du 13 novembre propose un spectacle singulier pour évoquer "tout ce qui peut être beau et drôle dans une reconstruction"

Rescapée des attentats du 13 novembre, la voltigeuse Alice Barraud met en scène sa reconstruction dans "Mauvais endroit au mauvais moment". Samedi 13 et dimanche 14 avril à La Seyne.

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Fabrice Michelier Publié le 02/04/2024 à 16:00, mis à jour le 02/04/2024 à 16:00
"J’ai écrit ce spectacle pour partager autre chose que le drame. Je voulais évoquer autre chose: tout ce qui peut être beau et drôle dans une reconstruction", promet l’artiste. Photo DR

L’histoire d’une reconstruction. Dès ses dix ans, Alice Barraud sait que sa vie se fera sur scène. Après un spectacle de cirque contemporain, le déclic. "J’ai eu un élan, je me suis levée, j’avais envie de rejoindre la piste, d’être cette fille qu’on envoie en l’air et qui vole. Ça ne m’a jamais quittée. Depuis cet instant-là, je disais que je voulais être voltigeuse", confie-t-elle. Le deal avec ses parents reste simple: elle passe d’abord son bac, ensuite elle pourra vivre sa vie d’artiste. Après le lycée, elle entre alors dans une école de cirque à Lille et, après quatre ans, lance sa carrière de voltigeuse professionnelle. Une ascension et un rêve stoppés en plein vol, un soir de novembre 2015.

Assise en terrasse du Petit Cambodge à Paris, en compagnie de son frère Aristide, Alice reçoit une balle dans le bras pendant les attaques terroristes qui frappent la capitale ce soir-là. Et c’est dès le lendemain de ces attentats que son spectacle "Mauvais endroit au mauvais moment" puise ses racines.

"J’ai immédiatement demandé un carnet à mon père pour écrire ce que je vivais. J’avais besoin de cela pour deux choses: la première, parce que j’avais conscience que tout ça était un peu trop gros pour moi et qu’il fallait que je décharge quelque part, l’autre raison, c’est que j’avais la sensation que je pouvais peut-être en faire plus tard un spectacle et qu’il ne fallait pas que j’oublie."

Doutes, peurs, réflexions

Alors, entre journal intime et feuilles de scripte, elle consigne tout. "Dans ces carnets, tout s’est mélangé: doutes, peurs que je ne pouvais pas partager avec mes proches. En même temps, je mettais des réflexions plus philosophiques sur la reconstruction, car personne ne nous apprend à nous relever après une telle épreuve."

Et puis, il y a les scènes surréalistes qu’elle vit au quotidien et qu’elle rédige immédiatement, comme au théâtre. "J’avais une vie normale et je me retrouve avec des policiers qui entrent dans ma chambre d’hôpital avec des flingues. Un psychiatre qui essaie de m’expliquer que j’étais un lapin et qu’il y avait un chasseur. C’est arrivé quatre jours après les attentats. Pour me mimer la scène, comme si j’étais débile, il m’a fait le geste de l’arme sur ma tempe. C’était d’une violence infinie. Je me suis dit: cet homme est fou. Quand il est sorti de ma chambre, soit je pleurais et je sombrais, soit je me disais: “mais c’est génial comme scène, c’est drôle". Cette volonté d’écrire m’a permis de choisir à chaque fois comment poser mon regard sur les choses. »

Un duo avec le batteur de Feu! Chatterton

Elle apprivoise aussi les contraintes physiques. Reliée à une perfusion, elle réapprend à bouger. Là aussi, cela devient une graine qui germe pour son futur spectacle. "J’ai voulu faire du cirque pour son aspect burlesque. Ça me fascinait, la façon dont on pouvait faire rire avec un corps. Durant mes études, j’ai toujours travaillé pour transformer la performance en acte burlesque. J’ai fait des stages de clowns où l’on apprend que pour trouver du burlesque, il faut une contrainte. Et là, je vivais tout le temps des contraintes. Donc quand j’étais là avec ma perf’ et mon verre d’eau, je me disais “mais c’est une super contrainte de clown ça". Je préférais voir les choses comme ça plutôt que de me dire que ce n’était plus comme avant. »

Alors même si les médecins mettent son avenir de circassienne et de voltigeuse en question, Alice s’accroche. Après quelque temps, elle part en résidence pour donner vie au spectacle qu’elle imaginait depuis son lit d’hôpital. Et ce qui devait être un solo se transforme très vite en duo avec Raphaël de Pressigny, batteur du groupe Feu! Chatterton. "Il m’a rejoint dans une de mes premières résidences. J’étais face à des difficultés, j’essayais de trouver des mots ou du corps sur des thèmes dont j’avais envie de parler, mais je n’y arrivais pas. Je lui ai lu des textes, je lui ai expliqué mes difficultés et Raphaël a sorti des instruments. Avec sa musique, en improvisant, il m’a permis de débloquer des choses. Ça s’est fait instinctivement, on a créé un langage corps/musique. la fin de ces trois jours, on s’est dit que ça allait être un duo."

Le tout donne un spectacle pluridisciplinaire qui mélange tous les arts vivants: danse, cirque, musique, théâtre. Et si le thème peut apparaître lourd, Alice Barraud et Raphaël de Pressigny s’en émancipent.

"C’est un témoignage sur une histoire passée et j’aime bien dire que ce n’est pas que noir. Parfois, quand les gens voient le thème, ils se disent ‘‘ça va nous plomber’’. Non, j’ai écrit ce spectacle pour partager autre chose que le drame. On en a assez entendu parler. Ça ne m’intéressait pas du tout. Je voulais évoquer autre chose: tout ce qui peut être beau et drôle dans une reconstruction", promet l’artiste.

> "Mauvais endroit au mauvais moment". Avec Alice Barraud et Raphaël de Pressigny. Samedi 13 avril à 20h et dimanche 14 avril à 17h au Chapiteau de la mer à La Seyne, présenté par Le Pôle. Tarifs: de 11 à 20 euros.

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