Entre Saint-Tropez, Brégançon et Auron, les années bonheur des Pompidou

Georges Pompidou et sa compagne, Claude, avaient une affection toute particulière pour le Var et les Alpes-Maritimes. Ils y ont vécu quelques-uns des plus beaux moments de leur vie. Récit.

Article réservé aux abonnés
Lionel Paoli Publié le 31/03/2024 à 07:30, mis à jour le 31/03/2024 à 07:30
Le couple Pompidou en vacances à Auron en janvier 1973. (Photo Raph Gatti)

Matignon ou Saint-Tropez? Prétendre qu’entre les deux, le cœur de Georges Pompidou a balancé serait évidemment excessif. Mais il est avéré que le jour même où il l’a choisi comme Premier ministre, en avril 1962, le général de Gaulle lui a ordonné de "cesser de fréquenter" la station balnéaire varoise. Question d’image. "Désormais, aurait tonné l’homme du 18-Juin, vous irez en Bretagne!"

Une véritable déconvenue pour le couple Pompidou. Depuis des années, dès que le temps faisait grise mine à Paris, Claude et Georges sautaient dans leur Porsche blanche – direction le Sud et le soleil.

"L’été, on les voyait souvent jouer aux boules sur la place des Lices, se souvient François Coppola, 94 ans, ancien adjoint au maire de la cité du Bailli. Ils avaient le contact facile et adoraient faire la fête. Ils fréquentaient la jet-set, le milieu des artistes… Aujourd’hui, on dirait qu’ils étaient très ‘‘people’’!"

Le fort "relooké" par Claude Pompidou

Lorsqu’il succède à De Gaulle en juin 1969, Pompidou ne reprend pas ses habitudes tropéziennes. Mais, toujours très attaché au Var et à ses congés – il "coupe" au moins deux mois chaque été –, il pose ses valises au fort de Brégançon.

Le grand Charles, qui a transformé la citadelle en résidence présidentielle, n’y a dormi qu’une seule nuit du 14 au 15 août 1964. Il a ordonné des travaux de rénovation qui n’ont été achevés que quatre ans plus tard.

Lorsque Claude Pompidou découvre les lieux, quelques semaines après l’élection de son époux, elle fait la moue. Le cadre fonctionnel, spartiate, voulu par le général, n’a strictement rien d’une maison de vacances.

Avec la bénédiction de son mari, elle fait appel au designer Pierre Paulin. L’artiste a carte blanche pour donner un coup de jeune au décor. Il commence par renvoyer au Mobilier national les lustres, tapis et vieux meubles. Puis il habille l’espace de fauteuils en cuir blanc, tables en plexiglas, coffres en bois laqué, sculptures abstraites et aciers scandinaves.

"On ne peut pas dire que mon père aimait particulièrement cette maison, mais il voulait en faire un lieu d’accueil pour la famille et les amis", résume Alain Pompidou, le fils du Président (1). Ainsi, le chef de l’État fait aménager les dépendances pour recevoir ses cousines, neveux, oncle et tante. Il joue aux échecs avec son beau-frère François Castex, organise des tournois de pétanque auxquels il convie les officiers chargés de la sécurité – qui se montrent souvent bien plus habiles que lui.

À la table du Président

Les repas, déjeuners et dîners, sont des moments privilégiés. Georges Pompidou ne délègue à personne le soin de composer les menus. Il raffole des produits de la mer, à l’exception des oursins. Coquillages, rougets, homards, langoustes et bouillabaisse sont des incontournables. Tout comme, au dessert, la tarte tropézienne popularisée quelques années auparavant par Brigitte Bardot.

Au-delà du cercle de ses intimes, le Président ne reçoit aucune personnalité officielle. Mais, conscient de la nécessité d’entretenir de bonnes relations avec la presse, il accueille toujours quelques journalistes au premier jour de ses vacances. Une pratique en rupture avec les habitudes de son auguste prédécesseur, qui n’a plus toléré le moindre objectif à Colombey-les-Deux-Églises après son accession au pouvoir.

En août 1969, Philippe Bouvard, alors reporter au Figaro, fait partie de la poignée de privilégiés invités à Brégançon. Le futur billettiste de Nice-Matin raconte, avec humour, l’embarras de l’abbé Pierre Baccuzzi, curé de Bormes-les-Mimosas, devant la horde de badauds qui se poussent du coude pour apercevoir le couple présidentiel "installé au dernier rang, alors que les premiers sièges lui avaient été réservés" (2).

L’affaire des maillots

Bouvard note également le ballet incessant des photographes, postés à l’extérieur, qui tentent d’immortaliser les baignades de Claude et de son époux.

"Mme Pompidou change volontiers la couleur de ses maillots selon l’heure du bain, observe-t-il, goguenard. Au début de l’après-midi, il est vert pastel avec casquette bleu marine et veste de plage orange. Le soir, le ‘‘une-pièce’’ très strict devient mauve, tandis que le bonnet vire au vert et que la veste a des reflets citron."

L’année suivante, le chef de l’État ouvre le fort aux caméras de l’ORTF. Cette opération de communication, largement improvisée, permet aux téléspectateurs de découvrir le premier des Français sans cravate – une révolution!

Pour le reste, Georges et Claude répondent avec bonne humeur à des questions passablement ineptes sur leurs activités: lire, se baigner, prendre du bon temps… Toute chose qu’un responsable politique actuel préférerait taire, tant il importe aujourd’hui de se montrer constamment sur la brèche.

Sur les cimes du Mercantour

En dépit des effets de plus en plus marqués de la maladie de Waldenström qui devait l’emporter au printemps 1974, Georges Pompidou n’a jamais cessé de manifester son amour pour le Sud et ses habitants.

Au début des années soixante-dix, il laissait volontiers sa trace sur la neige des cimes du Mercantour. Le couple présidentiel résidait l’hiver, à Auron, dans les locaux ultramodernes de l’hôtel du Pilon. Pendant que Claude et son petit-fils, Thomas, skiaient sous le regard bienveillant du moniteur Raphaël Giraud (3), Georges goûtait aux plaisirs du 4-étoiles dirigé par Paulette Tschamper.

Le neveu de cette dernière, Michel Tschann, ex-patron du syndicat des hôteliers niçois, se souvenait en 2017 d’un homme "discret, très bien élevé. On le laissait tranquille. Lui et son épouse venaient à Auron pour se reposer et, en ce temps-là, on respectait la vie privée des hommes politiques." (4)

C’était avant les chaînes d’info en continu, avant les réseaux sociaux qui traquent "H24" les moindres faits et gestes de nos dirigeants. Une autre époque.

1. Cité dans L’Élysée à la plage, de Pierrick Geais, éditions du Rocher (2021).

2. Le Figaro du 11 août 1969.

3. Figure d’Auron disparue en 2000.

4. Nice-Matin du 31 décembre 2017.

“Rhôooooooooo!”

Vous utilisez un AdBlock?! :)

Vous pouvez le désactiver juste pour ce site parce que la pub permet à la presse de vivre.

Et nous, on s'engage à réduire les formats publicitaires ressentis comme intrusifs.

Monaco-Matin

Un cookie pour nous soutenir

Nous avons besoin de vos cookies pour vous offrir une expérience de lecture optimale et vous proposer des publicités personnalisées.

Accepter les cookies, c’est permettre grâce aux revenus complémentaires de soutenir le travail de nos 180 journalistes qui veillent au quotidien à vous offrir une information de qualité et diversifiée. Ainsi, vous pourrez accéder librement au site.

Vous pouvez choisir de refuser les cookies en vous connectant ou en vous abonnant.