"Jusqu’à 3.500 euros les 24 heures!": ces intérimaires médicaux qui font grincer des dents à l’hôpital

Le ministre de la Santé veut s’attaquer au "mercenariat" médical, qui permet à des praticiens d’être payés deux ou trois fois plus. Face à cette pratique controversée, nos hôpitaux sont partagés.

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Christophe CIRONE Publié le 05/02/2023 à 08:00, mis à jour le 05/02/2023 à 08:19
Les urgences de Fréjus,confrontées à une saturationces dernières semaines, avaient dû recruter un médecin enintérim pour passer l’été dernier. (Photo Philippe Arnassan)

Ils représentent à la fois une solution temporaire et un problème de fond. Utiles pour combler les manques de personnels, dans la profonde crise que traversent les hôpitaux français. Mais très coûteux et controversés.

Les intérimaires médicaux sont dans le viseur du ministre de la Santé. François Braun veut encadrer cette pratique en faisant, enfin, appliquer la loi Rist. Un texte adopté en 2021, mais dont le décret d’application n’a jamais été publié.

Selon France Info, le ministre, ex-président de Samu-urgences de France, veut y remédier au printemps. Et cela aurait des effets concrets dans notre région.

"Ne pas rentrer dans ce jeu-là"

"C’est de l’intérim proche du mercenariat", estime le Dr Pierre-Marie Tardieux, chef de pôle des urgences du CHU de Nice. Un médecin qui intervient en intérim peut gagner deux ou trois fois plus qu’un praticien en poste. "Ça peut monter jusqu’à 3.500 euros les 24 heures!" Question d’offre et de demande. Face à cette surenchère, impossible pour l’hôpital public de rester concurrentiel.

Le CHU de Nice n’a "jamais recours à l’intérim au niveau médical", assure Pierre-Marie Tardieux. Pour autant, pas question de "jeter la pierre à des établissements qui sont capables de monter à ces prix pour ne pas fermer". Ce fut le cas, très ponctuellement, de l’hôpital de Fréjus, récemment contraint de fermer plusieurs jours.

"Nous avons pris un poste médical pendant les deux mois d’été, pour maintenir le circuit ambulatoire. Nous l’avons payé deux fois plus cher. On essaie de ne pas rentrer dans ce jeu-là", soupire le Dr Didier Jammes, chef du pôle urgences et réanimation de Fréjus. "On en a tous eu besoin à moment donné, étant exsangues. Mais je n’ai jamais été favorable à l’intérim. Ils sont payés deux ou trois fois plus que nous, et en font deux ou trois fois moins! On a l’impression qu’ils viennent boucher un trou dans une ligne de garde. Et cela crée des dissensions."

Autre risque: voir des médecins privilégier l’intérim à un poste hospitalier. "Ça aggrave les problèmes de l’hôpital, de la médecine en ville et en clinique. Ça favorise les moments de crise", constate le Dr Tardieux. Un remède potentiellement pire que le mal. "C’est un vrai risque de concurrence déloyale", confirme son homologue de Fréjus.

"Il faut réguler"

Le secteur paramédical vient aussi à l’intérim, dans une moindre mesure. Le CHU de Nice y a eu recours, notamment dans la période tendue des fêtes de fin d’année. "Sans cela, on fermait", résume le Dr Tardieux. Sauf qu’en intérim comme à l’hôpital, on manque d’infirmières...

Alors oui, les responsables hospitaliers approuvent la démarche de François Braun. En partie, du moins.

"On ne peut pas faire autrement. Il faut réguler", confirme le Dr Tardieux. Oui, la loi Rist "va dans le bon sens. Mais ce serait bien de travailler conjointement sur la qualité de vie des personnels hospitaliers. Or, je n’entends parler que de l’intérim...", s’inquiète le Dr Jammes.

Côté syndicats aussi, l’intérim fait grincer des dents. Michel Fuentes, secrétaire départemental FO Santé, préférerait avoir "des personnels mieux payés" plutôt que "des personnes de passage, qui ne connaissent pas spécialement le service". Il le reconnaît toutefois: "L’intérim cannibale", comme le qualifie François Braun, "peut dépanner" parfois. Le risque de cette offensive ministérielle? Voir des lits d’hôpitaux fermer.

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Monaco-Matin

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