Ce qu’apporte réellement l’intelligence artificielle à la Côte d’Azur en 5 points

L’IA pose de nombreuses questions. Pour répondre à certaines : Ludovic Dibiaggio. Enseignant-chercheur à SKEMA Business School, à Sophia Antipolis, il est également l’auteur du rapport édition 2022 baptisé « L’intelligence artificielle, technologies et acteurs clés ».

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Margot Dasque Publié le 05/02/2023 à 08:15, mis à jour le 05/02/2023 à 08:15
Les chercheurs de la Côte d’Azur collaborent avec des entreprises locales. (Photo DR)

1 La dynamique Côte d’Azur

La force de la Côte d’Azur? Le label 3IA qu’elle arbore depuis 2019. "Cet institut a permis de lancer une dynamique sur le territoire et d’aider à créer des collaborations, aussi bien au niveau scientifique qu’au niveau des entreprises locales." Un vent de nouveauté permettant de structurer le tissu local et de polariser les forces. Ce sont 48 chaires universitaires, plus de 4 millions de retombées économiques et une vingtaine de diplômes portant sur l’IA: voici le paysage actuel du Var et des Alpes-Maritimes. "La spécialité de notre institut repose sur la santé et le développement des territoires. Ce qui nous permet d’offrir et de tirer parti d’une complémentarité." Des échanges et projets se concrétisent entre les quatre instituts 3IA nationaux (Grenoble, Paris, Toulouse), tous fiers de porter leurs spécificités.

2 La recherche en mode locomotive

Qui mène la révolution? Le public ou le privé? "Quand on compare la France et l’Allemagne, on voit que le modèle est différent. Chez nos voisins, les collaborations sont structurées par les grands groupes. Alors qu’en France, ce sont plutôt les instituts de recherche qui sont à l’origine des projets. C’est l’originalité de notre système d’innovation. La porosité est croissante entre recherche et industrie, c’est une relation qu’il faut approfondir." D’où viennent les sociétés avec lesquelles travaille la recherche sur la Côte d’Azur? "On voit clairement que la localisation est un point fort. La proximité est la clé: les chercheurs œuvrent avec des entreprises basées ici. Le 3IA prend ainsi tout son sens."

3 La French touch: ça roule

En termes d’applications IA, la France a porté son dévolu sur le transport et la sécurité. Quelles en sont les raisons? "En ce qui concerne les transports, c’est plutôt évident. Des groupes comme Renault et Peugeot incarnent des pôles attractifs en termes de technologie. Ce qui est intéressant, ce sont les leviers technologiques, qui permettent à ces industries de se développer. Concernant la sécurité, là, c’est différent. Cela est dû à notre forte compétence en maths, en sciences. La biométrie offre des expertises passionnantes." Vous l’avez compris: en matière d’IA, la spécialisation fait raison.

4 Un nivellement par le bas ou le haut?

"Dans quelle mesure l’IA ne va pas insidieusement affecter nos valeurs et façons de faire?" En voilà une vaste question! "Une étude a démontré que comme Siri reconnaissait mieux les voix graves, les femmes avaient tendance à changer leur voix en l’utilisant. Cela peut sembler anecdotique mais on peut extrapoler." Autre inquiétude éthique: la technologie va-t-elle conduire à une perte des connaissances? "On s’est rendu compte que la connaissance des taxis londoniens concernant les rues et plans de la capitale a été mise à mal par le GPS par exemple." Il ne s’agit pas ici de parler fatalité. Mais de se poser les questions nécessaires à l’adoption de l’IA pour un meilleur futur.

5 Quel encadrement pour quelle société?

L’IA nécessite d’être alimentée par des jeux de données pour fonctionner et se perfectionner. En toute logique, plus son accès à la data est élargi, plus ses capacités vont pouvoir être approfondies.

"En France, nous avons le règlement général sur la protection des données qui restreint l’utilisation de certaines informations: cela permet de protéger la vie privée. Notamment dans le domaine de la santé. Mais ces principes n’existent pas aux États-Unis, au Canada ou en Chine." De facto, les systèmes de ces nations puisent dans un fonds qui n’existe pas pour les IA françaises.

"On peut aussi se demander si cela risque d’empêcher nos chercheurs d’aller plus loin? Et à terme, de nous rendre dépendants des systèmes américains par exemple."

Les frontières sont fines, où les situer? "On pourrait envisager un modèle de principe de précaution. À l’instar de la recherche sur le génome qui autorise et interdit certaines choses." Aujourd’hui, qu’en est-il? "L’Europe a plutôt choisi un système limitant l’accès aux données. Elle essaie de promouvoir ses valeurs comme standard international." Mais là non plus, ce n’est pas gagné.

C’est quoi, ChatGPT ?

Diabolisé depuis plusieurs semaines, l’agent conversationnel ChatGPT défraie la chronique. L’outil permet beaucoup. Beaucoup trop selon certains. Dans la ligne de mire : la rédaction de textes à la demande. Clairement, on peut demander à l’IA de créer un poème de toutes pièces à la sauce Shakespeare ou encore de réaliser des résumés d’articles scientifiques. « Je l’ai testé et je me suis plutôt bien amusé avec », reconnaît l’enseignant-chercheur Ludovic Dibaggio, qui l’a notamment utilisé pour réaliser des QCM sur une matière. Et qualitativement, c’est comment ? « C’est juste, ce n’est pas complètement décalé. » La limite ? « ça marche bien tant qu’on reste à un niveau plutôt large, disons. Mais quand on veut répondre à des questions plus techniques, ça se corse. Des tests ont été faits à ce titre : le système a du mal à rédiger des dissertations philosophiques, cela lui demande bien trop de profondeur d’analyse pour être cohérent. » En tant que professeur, que pense-t-il du risque de fraude ? « Au niveau lycée, l’outil produit un devoir qui tient la route. »

À noter : histoire de détecter plus rapidement toute composition créée via IA, un étudiant de Princeton a développé un contre-outil : ChatGpt Zero. « Il y a toujours des problèmes quand une nouveauté technique arrive dans le monde éducatif. Je pense à la machine à calculer : on a mis du temps à l’accepter, à s’adapter. La bonne question, c’est : comment s’en servir de façon productive afin de développer des compétences ? »
Là est l’enjeu. « La question qui se pose maintenant, c’est la propriété intellectuelle. On le voit avec DALL-E, développé par OpenAI, qui génère des créations visuelles. »

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