VIDEO. "Cela ne sert à rien de s'acharner", ce restaurant célèbre à Nice ferme à cause de la Covid-19, la cogérante raconte

Le Vegan Gorilla, restaurant niçois récompensé plusieurs fois par le Guide Michelin, est à vendre. Une victime de plus de la crise de la Covid-19.

Article réservé aux abonnés
Lauriane Sandrini Publié le 27/01/2021 à 18:30, mis à jour le 27/01/2021 à 18:30
Ouvert depuis 2016, le Vegan Gorilla est situé rue du lycée, dans le centre-ville de Nice. Photo Lauriane Sandrini

"C'est le travail de cinq années qui part en fumée." Camille Berton est amère, dégoûtée. La Covid-19 lui a volé son restaurant. 

Ouvert en 2016 à Nice, le Vegan Gorilla s'est rapidement fait un nom. Le chef et mari de Camille, Willy Berton, est même devenu en 2017 le premier maître restaurateur vegan de France.

Deux ans plus tard, ils reçoivent leur premier Bib Gourmand, distinction du prestigieux Guide Michelin pour les tables proposant des tarifs modérés. 

Une réputation solide et une clientèle fidèle n'ont pas suffi. Les confinements et couvre-feux ont eu raison du Vegan Gorilla.  

Des aides presque insignifiantes

"Pendant le premier confinement, on a perdu plus de 20.000€ de trésorerie", rappelle Camille Berton, la cogérante. 

Les aides du gouvernement? Pas suffisantes. "Il ne faut pas oublier qu'ils nous ont donné 1.500€ par mois. Pour nous, ça correspond à un petit samedi soir. Donc on a été dédommagé de trois petits samedis soir pour quasiment trois mois de fermeture."

Les gérants et leurs trois employés survivent au premier confinement sans trop de casse. Ils rouvrent le 7 juin avec une nouvelle carte, plus "conviviale" grâce aux tapas. 

"On a fait un super été, c'était génial de retrouver les clients, se souvient Camille, sourire aux lèvres. Il y avait une bonne énergie, une bonne dynamique... jusqu'en octobre." 

"Stop, ça ne sert à rien de s'acharner"

Premier couvre-feu et, dans la foulée, deuxième confinement. C'est la dégringolade. "En temps normal, notre chiffre d'affaires est entre 23.000 et 30.000€ par mois. En novembre, on a fait 1.500€. Mon loyer est à 3.000€, je vous laisse faire le calcul rapide..."

En novembre, le restaurant ne reçoit aucune aide du gouvernement. Le chômage partiel? Les employés ont travaillé en octobre, il faut les payer. "Ça commence à devenir très compliqué."

Malgré un bon mois de décembre, boosté par les fêtes de fin d'année, la trésorerie sombre. Le deuxième couvre-feu, instauré dès 18h, finit d'éteindre les projets de reprise d'activité. 

"On ouvre à 18h alors les gens sont obligés de passer par des plateformes de livraison qui, accessoirement, prennent entre 25 et 30% de notre chiffre d'affaires, sans oublier le coût des boîtes qu'on doit fournir."

Entre le 1er et le 15 janvier, Vegan Gorilla ne fait que quatre livraisons. Rester ouvert leur coûte plus cher que d'être fermé. "On a réfléchi et... on arrête. Stop, ça ne sert à rien de s'acharner."

Le 13 janvier, Camille Berton annonce sur les réseaux sociaux la fermeture du restaurant.

Mal au coeur

"Une si belle aventure ne peut pas se terminer comme ça, je n'y crois pas"; "pas de mot pour tout ça, juste un cœur gros"; "quelle tristesse et quel gâchis"... Des centaines de personnes commentent les publications postées sur Facebook et Instagram. 

L'espoir d'une fermeture temporaire se lit entre les lignes. Camille Berton espère, elle aussi. "Malheureusement, je pense que c'est définitif... On a perdu énormément d'argent."

Certes, elle bénéficie désormais des 10.000€ d'aide du gouvernement. Une somme qui couvre à peine les frais fixes du restaurant.  

"Est-ce qu'on continue, on essaye de vivoter en attendant que les restaurants rouvrent mais est-ce qu'il ne va pas y avoir une troisième, quatrième, cinquième, une douzième vague?"

Devant trop d'inconnus, Camille et Willy Berton ont décidé de mettre en vente le fonds de commerce. "Et encore... C'est utopique de penser vendre. Il y a quinze milliards de locaux puisqu'on s'est tous planté, on s'est tous cassé la gueule. Les banques ne suivent plus."

Avant Covid, le Vegan Gorilla était évalué à 320.000€. Aujourd'hui, la cogérante a reçu une offre d'achat à 150.000€ qu'elle est prête à accepter, mimant un couteau sous la gorge, "pour rembourser nos crédits et se sortir de cette situation dramatique". 

Colère et incompréhension

On devine aisément la colère dans les yeux de Camille Berton, lorsqu'elle nous raconte son histoire. L'incompréhension, aussi. 

"Pourquoi sommes-nous les sacrifiés de l'histoire, pourquoi on a été à ce point mis de côté et aussi peu soutenu? Les clients nous posent des questions mais on ne sait pas quoi leur répondre."

Elle cite la réouverture des commerces non essentiels et, surtout, des centres commerciaux. En cette période de soldes d'hiver, les énormes structures - à ciel ouvert ou non - sont bondées.

"Pourquoi est-ce que notre restaurant, où on applique toutes les règles sanitaires, n'a pas le droit de rouvrir? On a l'impression d'être des délinquants alors qu'en fait on aime juste faire à manger..."

Camille Berton, cogérante du restaurant, a reçu une offre de rachat qui couvre à peine les crédits. Tout l'argent investi serait perdu. Photo Lauriane Sandrini.

L'avenir incertain de la pâtisserie Amour

Il y a deux ans, Camille et Willy Berton ont ouvert en parallèle la pâtisserie végétale Amour, située à quelques rues du restaurant, dans le centre de Nice. 

Si le démarrage a été plus compliqué que pour Vegan Gorilla, le premier confinement a été "terrible". "Pas de prêt garanti par l'Etat, pas de loyer et de crédit reportés... Je n'étais déjà pas très haut, je suis vite retombée", confie Camille Berton, pâtissière par passion. 

Face à cette détresse, les clients ont insisté pour aider financièrement. "On ne voulait pas, parce que tout le monde était en galère. Ils étaient très insistants, on a fini par dire oui et créer une cagnotte en ligne". Plus de 8.000€ ont été récoltés, "ce qui a permis à la pâtisserie de rouvrir".

Camille Berton s'est accrochée pendant l'été, est restée ouverte pendant le deuxième confinement et le couvre-feu. "J'ai tourné à 50% de mon chiffre d'affaires. On était dans les 4.000€, ça n'allait pas chercher bien loin."

L'hiver est calme, trop calme. Désormais, la pâtisserie n'est ouverte que du jeudi au samedi, pour grouper les commandes. "Rester ouvert de 8h à 16h pour gagner 50€ par jour, ce n'est pas viable..."

La pâtisserie survit... mais pour combien de temps? "Ça me fait déjà si mal au cœur pour le restaurant que je vais continuer à me battre pour Amour." 

"Même si je repars avec deux euros en poche, on aura vécu cinq années incroyables... avec une fin bien triste."

“Rhôooooooooo!”

Vous utilisez un AdBlock?! :)

Vous pouvez le désactiver juste pour ce site parce que la pub permet à la presse de vivre.

Et nous, on s'engage à réduire les formats publicitaires ressentis comme intrusifs.

Monaco-Matin

Un cookie pour nous soutenir

Nous avons besoin de vos cookies pour vous offrir une expérience de lecture optimale et vous proposer des publicités personnalisées.

Accepter les cookies, c’est permettre grâce aux revenus complémentaires de soutenir le travail de nos 180 journalistes qui veillent au quotidien à vous offrir une information de qualité et diversifiée. Ainsi, vous pourrez accéder librement au site.

Vous pouvez choisir de refuser les cookies en vous connectant ou en vous abonnant.