"Je ne pars pas de chez moi!" Un an après la tempête Alex, elle refuse de quitter sa maison, en zone rouge

Installée depuis de très nombreuses années à Saorge en bordure du Caïros, Jacqueline Smith, 72 ans, refuse de quitter sa maison qui ne comporte "aucune fissure". L'administration qui souhaite prévenir tout risque, n'est pas du même avis. Elle témoigne.

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Christophe Cirone Publié le 27/09/2021 à 09:25, mis à jour le 27/09/2021 à 09:25
Jacqueline Smith refuse de quitter sa maison, intacte mais menacée par un trou béant. Comme elle, d’autres sinistrés tiennent tête à l’administration. Photo Sébastien Botella

"Là, c’était mon chalet, sur un rocher. Il ne reste que le tuyau de la fosse. Là, c’était la miellerie de Jacky, mon mari. Et là… c’était le pré."

Étrange visite du propriétaire. En arrivant chez Jacqueline Smith, le tableau est charmant. Un joli jardin verdoyant. L’imposant patou Snow qui nous aboie le bonjour. Une petite maison coquette, dont l’unique étage se résume à une mezzanine. Mais derrière, stupeur: un trou béant de 6 à 8 mètres de profondeur.

Le Caïros, paisible rivière d’ordinaire, a avalé un pan entier de la propriété. Il a étendu son lit jusqu’à quatre mètres du mur de sa chambre. Mais il a épargné la maison. Un an après la tempête Alex, plus une goutte d’eau à l’horizon.

Pourtant, l’avenir reste en suspens pour Jacqueline Smith, 72 ans. Elle avait 20 ans quand elle s’est établie avec son mari dans le Caïros, à Saorge. Ce vallon compte une trentaine de maisons. Un quart d’entre elles ont été touchées. Elles sont menacées de destruction. Jacqueline refuse de s’y résoudre.

"Pas une fissure", mais…

"La maison n’a rien! Pas une fissure", martèle la retraitée. Reste que cette maison est devenue une cible potentielle. Un bien classé en zone rouge, visé par deux arrêtés de péril. L’État a proposé de la racheter, via le fonds Barnier, en vue de la détruire. Réponse catégorique: "Je ne pars pas de chez moi!"

Après la catastrophe, Jacqueline Smith a trouvé refuge chez sa tante, plus haut dans le vallon. "Je dormais sur un canapé, vivais dans la cuisine. Au bout de huit mois, je me suis dit: “J’en ai marre. Je rentre chez moi et arrive ce qui arrive.”"

Alors Jacqueline est revenue, bravant l’interdiction. Elle est résolue à rester. "Par respect pour [son] époux", disparu en 2019. "C’était son petit coin de paradis. Il est là-bas, dans une petite urne… Non, c’est non: je ne pars pas. Où j’irais? À l’hospice?"

Cette ancienne infirmière de l’hôpital de Tende n’est pas la seule sinistrée réfractaire. À Vievola, tout en haut de la Roya, comme à Saint-Martin-Vésubie, d’autres refusent de quitter leur maison en apparence indemne. En apparence seulement. Car en cas de forte crue, le risque est majeur. "Il n’y a pas de perspective de protection possible. On sera obligé de les acquérir dans le cadre du fonds Barnier", explique Xavier Pelletier, préfet délégué à la reconstruction des vallées.

"On va étudier les cas particuliers"

Le "préfet tempête" le sait: pour les propriétaires, ces maisons sont bien plus qu’un point rouge sur une carte administrative. Il va donc "poursuivre la pédagogie. Il n’est pas question d’y aller au forceps. Mais on ne va pas laisser des gens dans une maison exposée au risque! S’il y avait un nouvel événement marqué, avec des morts, que dirait-on? Que les autorités savaient et qu’elles ont fait preuve de faiblesse…"

À moins d’une alternative? C’est l’espoir de Jacqueline Smith. "Deux experts de l’État m’ont dit qu’il fallait faire un enrochement, avec une étude géotechnique. Le géologue m’a dit: “Avec un enrochement, vous êtes tranquille.”"

Xavier Pelletier se méfie des rapports d’experts qui ne sont pas forcément "experts du risque". Mais il annonce que "l’État va missionner un cabinet pour étudier les cas très particuliers. Quand des protections individuelles peuvent être envisagées, sans créer de dysfonctionnement en aval du cours d’eau, on va l’étudier. Si c’est possible, cela restera à la charge des propriétaires."

Jacqueline Smith a déjà reçu un devis: 98.000 euros. "C’est assez onéreux. Mais je peux le financer si j’ai une aide. Juste une petite aide pour pouvoir rester ici."

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